“Une carte des menus par saison”
D’origine hollandaise, Raoul Reichrath célèbre, avec son épouse Flora, sommelière, la figue et bien d’autres fruits au restaurant du Grand Pré, à Roaix, dans le Vaucluse. Son art culinaire tient en deux mots : bio et simple.
Depuis quand vous êtes-vous intéressé à l’alimentation bio ?
Dans mon pays, il existe des chaînes de distribution bio depuis 20 ans. L’agriculture biologique m’a toujours intéressé pour ma propre santé et celle de la planète. Et puis, dans le cadre de ma profession, j’observe que les fruits bio ont moins d’eau, plus de goût et se gardent mieux que ceux en conventionnel.
Comment votre établissement vit-il au rythme de la nature ?
Le menu du Grand Pré change tous les mois et il existe une carte par saison. Il faut savoir et accepter des périodes de fruits parfois très courtes : les abricots Orange-Red éclosent et dépérissent en l’espace de 3 semaines ! De même pour certaines variétés de fraises, six semaines après la 1ère, on n’en trouve plus une seule !
Pourquoi les fruits attirent-ils votre attention ?
Manger des fruits, cela implique que l’on consomme moins de desserts fabriqués de toutes pièces. Or, notre alimentation “préfabriquée” est chargée en graisse et sucre, qui cause d’énormes dégâts sur la santé. Faites l’essai : dégustez un melon, un abricot ou une pêche savoureuse à souhait et aussitôt après, une sorte de pudding. Vous ressentirez un certain dégoût.
Quels sont vos conseils pour conserver les fruits ?
Les mettre au réfrigérateur, c’est l’erreur la plus grande. Le froid tue les parfums. Un fruit, il faut l’acheter et le consommer vite. Les fraises par exemple ne se conservent guère plus que deux-trois jours, de même que les melons. Parfois, je sèche moi-même certaines variétés de figues.
J’ai une prédilection pour les figues car j’ai la chance d’avoir, tout près, à Vaison-la-Romaine, un producteur unique de figues : il en cultive plus de 300 variétés suivant les principes de l’arboriculture bio ! En saison, le menu “Tout figue” comprend, par exemple, un carpaccio aigre-doux de figues aux crevettes. Coupées en fines lamelles, ces dernières marinent avec des tomates et de l’huile d’olive. J’apprécie de cuisiner les pêches dont j’obtiens une gelée, d’une très jolie couleur. Pour ce faire, je les poche tout en gardant la peau. J’ai un petit truc aussi avec les abricots ; pour réaliser une compote ou un sorbet, j’éclate le noyau afin d’intégrer l’amande, ce qui procure un léger goût amer à l’ensemble.
J’aime aussi beaucoup certains fruits anciens de Provence, comme les azéroles que je compote avant de les servir agrémentés de vinaigre balsamique blanc et d’une glace de vanille. Le sorbet de nèfle, je l’intègre dans un vacherin qui comprend aussi une partie sorbet de fraise. J’ai également découvert le jujube dont la forme rappelle celle d’une grande figue jaune-marron : elle se croque comme une pomme. J’utilise aussi des grenades et des kakis mais sans les modifier. Transformer, cela ne veut pas toujours dire améliorer. Prenez cette purée crue aux tons rouge, noir et crème : des fraises coupées à la minute, trois gouttes de crème de cassis, du poivre noir du moulin et une bonne glace à la vanille et rien de plus ! En règle générale, j’évite d’ajouter trop d’ingrédients, conservant une démarche culinaire assez simple. Je préfère consacrer plus de temps à dénicher des produits de qualité.
Propos recueillis par Gaëlle Poyade