Si la gourmandise est l’un des sept péchés capitaux, cela ne freine en rien l’addiction pour la célèbre pâte à tartiner noisette-chocolat qui fait des ravages. En bio, il en existe de nombreuses alternatives, aux goûts et recettes très variés.
Phénomène de société, la pâte à tartiner noisette-chocolat fait partie de la panoplie du goûter. Sur le plan nutritionnel, ce n’est pas la panacée, loin s’en faut ! Chacun le sait. Et même en bio. “Nous voulons simplement limiter les dégâts, avec une recette moins grasse et moins sucrée, mais il faut reconnaître que si on veut se rapprocher du goût et de la texture spécifiques si appréciés du Nutella, c’est au détriment de la diététique”, confie Pauline Chavigny, du service qualité de Perlamande, fabricant bio implanté dans les Alpes de Haute-Provence.
Pour autant, pas question de faire du copié-collé : avec 55 % de sucre blanc de betterave et 17 % d’huile de palme dans sa formule, la célèbre pâte à tartiner italienne est une aberration pour la santé, même si elle prétend haut et fort le contraire, grâce à la puissance de son pouvoir de communication. Outre cette surdose de sucre nocive pour l’équilibre glycémique et source d’insulorésistance (lire dossier p. 19-20), l’autre ingrédient phare de la recette, l’huile de palme, est également dans le collimateur, autant sur le plan environnemental que sur celui de la santé.
Un trio parfois trop sucré
Les transformateurs bio prouvent qu’il est possible de proposer des pâtes goûteuses et beaucoup moins néfastes pour l’organisme, à condition toutefois de ne pas en abuser. Encore faut-il regarder de très près les ingrédients, même bio. Trop de sucre de canne blond ou roux, donc à fort index glycémique, et d’huiles à acides gras saturés doivent alerter, même si le résultat est délicieux. “Il faut le déguster avec parcimonie, sur une belle tartine de pain complet pour les bienfaits des fibres qui atténuent l’impact de l’hyperglycémie, sachant que le trio sucre rapide-graisses saturées-cacao, précurseur de l’hormone sérotonine (1), peut provoquer une accoutumance néfaste, car il apporte momentanément un état de bien-être, et adoucit le stress alors qu’il signale un déséquilibre alimentaire. C’est le cercle vicieux”, signale Patricia Pacaut, docteur en pharmacie et présidente de l’association Nutri-Santé Prévention. C’est pourquoi les pâtes à tartiner, surtout les plus sucrées, peuvent rendre accros.
Haro sur l’huile de palme
En général, même en bio, c’est le sucre de canne blond ou roux, pas forcément sous sa forme intégrale, qui arrive en tête des ingrédients, avec un taux qui varie selon les marques. Puis viennent soit la matière grasse, soit les noisettes, dotées d’un pourcentage variable, et ensuite le cacao. “C’est ce qui fait la différence entre les références, explique Pauline Chavigny de Perlamande, société qui vient de racheter Noiseraie Productions, fabricant historique basé dans l’Indre, spécialisé dans la pâte à tartiner bio. Nous incorporons un fort taux de noisettes, 24 % pour Tartinade choko noisette, et depuis août, nous avons substitué l’huile de tournesol à l’huile de palme.”
En effet, 2012 a vu les recettes de pâtes à tartiner bio évoluer. Ces derniers mois, la majorité des fabricants les modifie pour supprimer cet ingrédient. “L’huile de palme a été diabolisée, mais en bio, elle apportait toutes les garanties nécessaires”, soutiennent pourtant les fabricants. N’empêche, face aux exigences des consommateurs, il a fallu trouver la façon de conserver cette texture fondante qui plaît tant, en remplaçant l’huile de palme par d’autres graisses végétales qui n’ont pas cette propriété, propre aux acides gras, de se solidifier à basse température. Perlamande a opté pour le tournesol, d’origine européenne : “cela nous a pris un an de mise au point, avec une hausse du taux de noisettes, afin de trouver une recette satisfaisante en bouche”, indique Pauline Chavigny.
Les noisettes en vedette
Chez Jean Hervé, ce sont les fruits qui dominent les recettes : “nous n’utilisons que des ingrédients nobles, détaille Maïa Hervé, gérante de l’entreprise de Clion-sur-Indre, et fille du fondateur. Dans notre Chocolade, les noisettes sont majoritaires avec un taux supérieur à 30 %. Comme elles sont broyées à la meule de pierre, la texture est granulée.” Lancée en 1994, la Chololade est l’une des premières pâtes à tartiner noisette-chocolat bio apparue sur le marché. Or, sa recette contenait 14 % d’huile de palme, “un ingrédient très difficile à remplacer”, convient Maïa Hervé. “En outre, nous l’achetons en Colombie, cultivée en bio, dans le respect de l’environnement, et source de revenus pour toute une filière locale.” Mais soucieuse de répondre elle aussi à la demande de sa clientèle à la recherche des produits sans huile de palme, l’entreprise Jean Hervé la supprime peu à peu. “Pourtant, cette huile est moins riche en acides gras saturés que le beurre ou le fromage”, souligne Maïa Hervé, qui regrette les amalgames faits entre l’huile de palme conventionnelle qui détruit des forêts, et celle certifiée bio.
Le défi d’une texture fondante
Dans la nouvelle Chocolade avec ou sans lait, les huiles de colza ou de tournesol et le cacao non dégraissé, incorporé à plus forte dose, ont pris le relais : “mais il a fallu trouver le moyen de conserver la texture la plus fondante possible, ce qui n’était pas évident. Nous avons fait de nombreux essais, et ce sont les amandes et les noix de cajou qui donnent de la matière.” Sur le plan nutritionnel, les acides gras saturés ont été divisés par deux, sachant que le cacao non dégraissé en contient forcément (2). Les glucides, apportés notamment par le sucre de canne intégral, ont été réduits. “Difficile de les diminuer davantage car il faut un liant pour atténuer l’amertume du cacao, alors nous incluons du sirop d’agave à l’index glycémique moins élevé”. Au final, le résultat est “encore plus riche en fruits secs, donc en saveurs, mais en contrepartie, leur coût de revient est plus élevé”.
Des alternatives à déguster
C’est sûr, en bio, la diversité amène les fabricants à se démarquer selon leur personnalité. L’artisan chocolatier Bovetti fait dominer 40 % de noisettes et le chocolat au lait à 38 % minimum de cacao, pour un résultat fort en goût, contenant un peu de sucre de canne blond et d’huile de colza, “juste pour être tartinable”, résume son créateur, Valter Bovetti. Même proportion de noisettes pour la chocolaterie Dardenne qui elle, ajoute du sirop d’agave, et seulement 5 % d’huile de tournesol, “dont on pourrait se passer”, assure le patron, Alain Peyrouton. La Mandorle propose un ersatz sans sucre ni huile : sa pâte à tartiner ne comporte que trois ingrédients, 45 % de chocolat, 25 % de noisettes et du sirop de riz. “Ce n’est pas une imitation, il n’y a pas de saccharose, c’est une alternative gourmande très chocolatée et nutritive”, précise Christel Raffi, la responsable commerciale. Bref, pour ne pas se tromper, il suffit de lire de près les étiquettes, puis de laisser faire ses papilles…
Christine Rivry-Fournier
(1)Un déficit en sérotonine peut provoquer une attirance pour le sucré.
(2) Le beurre de cacao contient entre 57 et 64 % d’acide gras saturés.
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La taxe sur l’huile de palme rejetée
Finalement, la surtaxe proposée pour l’huile de palme n’a pas été entérinée lors du vote définitif du Parlement. Baptisée “taxe Nutella”, cette proposition d’amendement visait à réduire l’utilisation de cet acide gras saturé, source de déforestation et nocif pour la santé.