Le sucre n’est pas le seul à procurer ce goût tant apprécié. Avec un pouvoir sucrant équivalent, voire supérieur au sucre de table, nombre d’alternatives présentent un faible index glycémique, parfois avec zéro calorie, et certaines sont presque des antidotes aux caries.
En bio, si “aucun édulcorant n’est autorisé”, comme l’affirme l’organisme certificateur Ecocert, citant “l’aspartame, le sorbital, les glycosides de stéviol”, des alternatives existent pourtant. “Les produits light en bio sont en général élaborés avec des sucres à teneur calorique moindre que celle du saccharose : jus concentrés de fruits (pomme, agave, raisins…), sirops de glucose, de malt, d’érable, fructose, miel…”, poursuit le certificateur. Une liste qui, en furetant dans les magasins bio, s’allonge…
Des arbres à sucre
C’est le cas du cocotier qui, après l’eau, la pulpe et l’huile, n’a pas fini de nous étonner ! Arrivé en France dans les magasins bio il y a 5 ans seulement, son sucre brun fait partie de la cuisine traditionnelle en Asie du Sud-Est. Sa production est artisanale : des cueilleurs grimpent au sommet des cocotiers pour inciser les fleurs et récolter leur sève. Outre du vinaigre et de l’alcool, on en tire du sucre cristallisé. “Son principal atout est son faible index glycémique, 25 à 35 selon les études, explique Alexandre Huber d’Ecoidées qui commercialise du sucre de fleur coco bio des Philippines. Côté calories, il en apporte presque autant que le sucre blanc mais, à la différence de ce dernier, il est très riches en minéraux : zinc, fer, magnésium, potassium…” Non, il n’a pas le goût de noix de coco ! Mais il fleure bon l’exotisme avec ses légères notes de caramel et de vanille. On peut le savourer tout simplement dans un yaourt, un fromage blanc, une salade de fruits… Il est aussi parfait pour les crèmes brûlées parfumées de cannelle ou de vanille et les cocktails type mojito et caïpirinha.
Une fleur généreuse
Du côté du Sri Lanka s’élève le Kitul (Caryota Urens), un palmier d’une vingtaine de mètres dont on extrait une sève à partir de la tige de sa fleur. Récolte et coutume vont de pair, comme le raconte Marie Fagard, chargée de communication chez Guayapi qui vend de la sève de kitul bio. “Après avoir grimpé à l’arbre, le récoltant incise l’écorce et y met des épices, piments, citronnelle… selon un rituel qui doit inciter la fleur à donner plus de jus. 48 heures après, la sève commence à couler. Filtrée, chauffée, elle est enfin bouillie jusqu’à l’obtention d’un jus brun. 20 litres de sève donnent une petite bouteille de 375 ml”. Dotée d’un faible index glycémique, cette sève au goût très doux, léger, est riche en vitamines B1, B12 et C, en calcium et en fer. Traditionnellement employée dans les flans coco, elle agrémente nombre de desserts, salades de fruits, compotes, fromages blancs… “En outre, elle ne perd pas son pouvoir sucrant ni ses subtiles saveurs lors de la cuisson, précise Marie Fagard. Chef et propriétaire du restaurant du Palais Royal, à Paris, Éric Fontanini est un adepte de la sève de kitul. “Je l’utilise en accompagnement, dans le baba au rhum, dans certaines pâtisseries aussi. Lors d’un salon Slow Food, nous avions proposé une salade de chèvre arrosée d’une vinaigrette associant jus de citron et sirop de kitul. Formidable ! Et plus, elle est assez stable au niveau de l’émulsion. Facile à travailler, elle n’a pas d’arôme spécifique mais apporte une touche florale.”
Les polyols ou sucres alcools
Autre famille au pouvoir sucrant, les polyols ou sucres alcoolisés dont font partie l’érythritol et le xylitol. De quoi s’agit-il ? L’érythritol est une poudre blanche qui ressemble à s’y méprendre à du sucre blanc. Et pourtant, il ne s’agit pas de saccharose. Derrière ce nom alambiqué se cache une substance sucrante qui existe à l’état naturel dans certains fruits (comme la poire, le melon, le raisin) mais aussi dans certains produits fermentés (comme le vin, la sauce soja, le fromage). Toutefois, celui que l’on trouve dans nos rayons, autorisé en Europe depuis 2006, est produit industriellement à partir de glucose. “On extrait le glucose de matières comme le blé ou le maïs, puis celui-ci est fermenté avec des levures spécifiques pour obtenir de l’érythritol”, explique Pierre-Alexandre Huber de la société Ecoidées qui en commercialise sous la marque Sukrin. Mais sans le label AB car, comme le précise Ecocert, les édulcorants sont considérés comme des additifs. Or, le règlement européen (revu en 2008) contient une liste positive dans laquelle ne figure ni la stévia, ni d’autres produits sucrants plus récents. “L’extrait de stévia/glycosides de stéviol (E 960) est certifiable en bio si la stévia est bio et le process d’obtention conforme, mais non utilisable dans une recette bio”, résume Ecocert.
Exempt de troubles digestifs
Avec un apport calorique proche de zéro et un index glycémique nul, il est parfait pour les personnes diabétiques et celles qui surveillent leur ligne. Autre avantage : contrairement aux autres polyols, il n’entraîne pas de troubles digestifs car il est absorbé à plus de 90 % dans l’intestin grêle puis éliminé sans qu’il y ait de fermentation au niveau du côlon. En cuisine, il a une saveur sucrée rafraîchissante, sans arrière-goût acide ni réglissé. Il s’utilise comme le saccharose dans les boissons, les yaourts, mais aussi dans les gâteaux car il présente une bonne stabilité à la cuisson. Attention de ne pas en ajouter trop car son pouvoir sucrant est un peu plus faible que celui du saccharose (70 %).
Confiserie “sans sucre”
Ingrédient courant de bonbons ou chewing-gums “sans sucre”, le xylitol est fabriqué à partir d’écorce de bouleau, de hêtre, de framboise, ou encore de maïs et de soja en Asie. Chez Flore des Alpes, entreprise spécialiste des produits à l’argousier bio et à la sève de bouleau, le xylitol est issu de bouleaux, au coeur de forêts finlandaises certifiées PEFC (1). “Les Finlandais écorcent les lamelles de bouleau, les passent dans des bains d’hydrolyse (eau + électricité), ce qui permet d’extraire les différents sucres. Ensuite, le liquide est hydrogéné – l’ajout d’atomes d’hydrogène permet d’obtenir des fonctions alcools”, explique Flore Herbrik, responsable commerciale à Flore des Alpes. Une fois le xylitol transformé en solution, il ne reste plus qu’à le faire cristalliser puis à le réduire en poudre. “Comme on extrait une molécule, ce n’est pas labellisé bio, rapporte-t-elle. C’est comme pour la vitamine C qui n’est pas certifiable non plus bien qu’elle puisse être tirée de fruits bio”. On peut toutefois distinguer le xylitol naturel de celui de synthèse qui se cache le plus souvent, et surtout en l’absence de précision de sa provenance, sous le code E967. En poudre, froid, il a le même pouvoir sucrant que le sucre et la même saveur avec un côté frais en bouche. Cuit, ce pouvoir est multiplié par deux.
Enfin, l’érythritol comme le xylitol sont considérés comme non cariogène ; en effet, ils ne subissent pas, de la part des bactéries buccales, une fermentation suffisante pour abaisser le pH de la plaque dentaire à des niveaux propres à contribuer à une érosion de l’émail dentaire.
Du sirop à la poudre d’agave
On peut aussi se tourner vers les sirops, nombreux et aux parfums divers, comme ceux de fruits, pomme ou poire, ou de céréales (blé, riz, orge, maïs). Ces derniers sont obtenus par la lente fermentation de l’amidon de céréales, qui se transforme naturellement en glucides variés (glucose, maltose, fructose, etc.). Le sirop de blé est assez neutre, celui de riz a un goût plus prononcé. Leur intérêt réside dans leur richesse en minéraux et leur faible apport calorique. Mais “l’index glycémique du sirop de riz est élevé, entre 70 et 100”, souligne Solveig Darrigo, diététicienne-nutritionniste.
Au côté du célèbre sirop d’érable, chargé en minéraux et oligo-éléments, on se familiarise de plus en plus avec celui d’agave riche en fructose naturel (90 %) et en minéraux. Extrait d’un cactus mexicain, il est concentré par évaporation et offre une saveur assez neutre.
L’agave a séduit le chocolatier Dardenne, situé à Luchon, en Haute-Garonne. Grâce à la poudre d’agave bio, un produit inédit tout récemment entré sur le marché européen, cet artisan-chocolatier depuis 1897 a trouvé un substitut au fructose non bio employé dans l’une de ses gammes. “Désormais, tous nos chocolats sont 100 % bio, indique le PDG Alain Peyrouton. Cette poudre d’agave bio a certes nécessité d’adapter notre recette. Car le fructose est hydrophile – il absorbe l’humidité de l’air – ce qui complique l’élaboration des chocolats”. Mais ce produit unique, qui commence à être distribué en magasin spécialisé, a bien des intérêts ; riche en fibres prébiotiques contenues dans l’inuline de l’agave, il a aussi un pouvoir sucrant supérieur au saccharose. “En outre, le fructose de l’agave est distribué lentement au corps ; c’est pourquoi on a tendance à le qualifier de coupe-faim”, ajoute Alain Peyrouton.
Loin de nous couper l’appétit, toutes ces manières de sucrer ne donnent qu’une envie : se mettre en cuisine pour associer le bon et le sain !
Émilie Godineau et Gaëlle Poyade
(1) Ce label garantit une gestion durable de la forêt.
Y avez-vous pensé ?
On peut remplacer le sucre par d’autres produits à portée de main ou s’aventurer vers des associations douces plus originales.
*Sans suivre la recette du pain d’épice, pourquoi ne pas remplacer le sucre par du miel dans les gâteaux ? Le miel est très riche en fructose (et donc facilement assimilable), en minéraux et en antibiotiques naturels.
*Deux fois moins de sucre sans rater sa confiture ! comment ? en ajoutant de l’agar-agar, une algue en poudre qui sert de gélifiant naturel.
*Pensez aux épices pour ajouter des saveurs et diminuer la quantité de sucre en conséquence.