Depuis le millésime 2012, le “vin bio” existe officiellement : soulagement chez les vignerons – la mention “vin issu de raisins de l’agriculture biologique”, source de confusion, va disparaître petit à petit –, et pour le consommateur, une meilleure transparence. Mais quelles sont les règles qui régissent désormais le vin bio ? Peut-on être sûr qu’il est meilleur pour les papilles, pour notre santé ? Comment l’apprécier ? Au chais, entre amis, dégustations…
La bio commence à la vigne : pas d’engrais, d’herbicide ni de pesticide de synthèse. La vigne bio pousserait-elle toute seule ? Le vigneron bio vivrait-il sans pulvérisateur, sans produit de traitement, à attendre les pieds en éventail que le raisin mûrisse ? Non, bien au contraire : il y en a, du travail, pour que de belles grappes de raisin bio arrivent, saines, entières et sans maladie jusqu’aux cuves où elles se transformeront en vin… Au fil du temps, depuis les pionniers des années 1970, les techniques bio, dans les vignobles, se sont affinées, perfectionnées. Avec pour leitmotiv, chez ces vignerons passionnés de leur terroir, de respecter et d’accompagner la nature.
Travaux manuels
Première difficulté : comment gérer la pousse des “mauvaises herbes” dans les rangs de vigne ? Réponse : par le travail du sol – un travail de longue haleine, tout au long de l’année, comme en témoigne Michel Arnaud, vigneron en Châteauneuf-du-Pape : “Nos sols sont entretenus avec des outils spéciaux, bineuses et scarificateur. Les rangs de vigne sont buttés une première fois en décembre/janvier, décavaillonnés en mars, à nouveau buttés début mai, et ensuite nous faisons encore deux binages. Dans les dévers et les vieilles parcelles, on fait ce travail à la main.”
Entre les rangs de vignes, nombreux sont ceux qui choisissent le maintien d’un enherbement. C’est le cas chez le vigneron Nicolas Badel à Vernosc-les-Annonay, en Ardèche : il sème entre les rangs, sur une partie de son vignoble, de la fétuque rouge rampante qui couvre le sol, empêche l’érosion, sans pour autant concurrencer la vigne. D’autres implantent des mélanges d’espèces qui vont fleurir et attirer les insectes auxiliaires efficaces contre les nuisibles.
Enraciner la vigne au plus profond
Ensuite se pose le problème de la fertilisation des sols. Chez Vincent Laval, vigneron à Cumières dans la Marne, au cœur du berceau historique du Champagne, l’apport de compost de bovins est envisagé si et seulement si une vigne le nécessite ; pour l’évaluer, il regarde notamment la vigueur du bois et effectue des analyses. Ainsi, certaines parcelles n’ont reçu aucun amendement depuis près de 8 ans. “L’idée est d’enraciner la vigne au plus profond pour en sortir le meilleur, de ne pas produire trop, juste de bons raisins. Le Champagne doit être un vin représentatif de son terroir”, précise-t-il.
Traitements et vigilance
Quant à la lutte contre les maladies principales des vignobles (que sont le mildiou et l’oïdium), elle est effectuée avec des produits à base de cuivre et de soufre – minéraux autorisés en agriculture biologique – des produits naturels mais dont il ne faut pas abuser, car leur emploi excessif peut polluer les sols. Pour en diminuer les doses, les vignerons bio se tournent de plus en plus vers les purins de plantes. Par exemple, Nicolas Badel, en Ardèche, effectue dans l’année 5 traitements cuivre et soufre peu dosés, avec des purins d’ortie et de prêle. Ces techniques restent expérimentales : “Ça demande beaucoup de rigueur et de technicité, il faut bien se former.”
Cependant, le développement de ces maladies dépend beaucoup des conditions climatiques. En Ardèche, avec peu de précipitations de juin à septembre, et beaucoup de vent, “on est dans le contexte idéal pour bien travailler”, note le vigneron. En Champagne par contre, dans un contexte d’hivers froids, d’étés doux et de pluies modérées mais fréquentes, la bio est parfois plus complexe, et impose une très grande vigilance.
Le temps des vendanges
Lorsque toutes ces étapes ont été respectées, vient enfin le moment de sortir caisses, seaux, épinettes. Après les vendanges, manuelles ou mécaniques, selon les choix de chacun et les vignobles (les vendanges manuelles sont obligatoires dans certaines appellations, en Châteauneuf-du-Pape par exemple), les raisins arrivent dans les chais… La suite de l’histoire, c’est leur transformation en vin : pour le vigneron, la vigilance, l’attention, les soins continuent.
Myriam Goulette