Très peu connue, la race Villard-de-Lans est pourtant associée à deux fromages renommés : le Bleu du Vercors-Sassenage qui jouit d’une Appellation d’origine contrôlée (AOP) et le Saint-Marcellin, tout récemment doté d’une Indication d’origine protégée (IGP).
En Rhône-Alpes, à peine 400 animaux de cette race ancienne peuplent actuellement les pâturages du massif, alors qu’ils étaient 15 000 au début du 20e siècle, utilisés pour le lait, la viande et la traction animale. En 1976, on n’en comptait plus que 70. Pour éviter leur disparition totale, un programme de conservation a été lancé dès cette époque par le ministère de l’Agriculture. « On revient de loin, car elle a bien failli disparaître, raconte Daniel Vignon, producteur bio à St-Martin du Vercors et président du syndicat du Bleu du Vercors. La Villarde est le symbole d’une agriculture ancrée dans le terroir, elle est rustique, robuste, avec de bons aplombs et une grande longévité. » Le Parc Naturel Régional du Vercors encourage sa réhabilitation, notamment à travers l’association pour la sauvegarde et la relance de la race bovine Villard-de-Lans. « Il faut améliorer cette race qui reste très peu productive, soit environ 2 000 à 3 000 litres de lait par an, c’est difficile d’en incorporer beaucoup dans un élevage laitier, mais elle y a néanmoins toute sa place », souligne Daniel Vignon.
La Villarde reprend du poil de la bête
Le Bleu du Vercors-Sassenage est un fromage traditionnel à pâte persillée qui a obtenu son AOC en 1998, puis son AOP en 2001. En faisant partie des trois races de vaches dont le lait peut être incorporé à la fabrication de ce fromage, la Villarde a repris ses lettres de noblesse. Aux côtés de l’Abondance et de la Montbéliarde, elle peut dorénavant espérer repeupler le plateau. « L’appellation n’oblige cependant pas à incorporer son lait dans la fabrication du fromage, indique son président. Mais nombreux sont les producteurs qui en élèvent dans leur cheptel pour soutenir cette réhabilitation. »
Porte-drapeau de l’élevage bio
Les bio s’impliquent dans cette démarche. De plus en plus nombreux sur le massif, ils défendent leur identité locale. Collectés par Vercors Lait, la coopérative des agriculteurs du Vercors, ils sont rassurés par l’existence de ce débouché dynamique. Sur les 5 millions de litres de collecte, 1,5 million est du lait bio, livré par une quarantaine d’agriculteurs bio (sur les 80 adhérents de la coopérative). Une partie du lait est transformée en Bleu du Vercors-Sassenage, l’autre en St-Marcellin à l’IGP toute fraîche : un nouvel atout pour ces producteurs dispersés sur le plateau. « Les conversions en bio sont nombreuses car ce mode de production correspond à nos méthodes d’élevage extensif qui associe pâturage l’été et alimentation en fourrage grossier l’hiver, explique Daniel Vignon. Nos vaches restent à l’étable de novembre à avril mais nous les sortons tous les jours −, c’est obligatoire en bio et essentiel pour le bien-être animal. ». Chez lui, pour éviter d’attacher les animaux, Daniel Vignon a installé une stabulation libre à une aire de rotation extérieure pour l’hiver. « En contrepartie, nous devons hélas les écorner en raison de la structure hiérarchique du troupeau, et le problème des dominantes. »
Installé avec deux autres associés sur 90 hectares avec un troupeau de 33 Montbéliarde et une Villarde (c’est un début), il transforme lui-même, en Bleu du Vercors-Sassenage et autres produits fromagers, 140 000 litres de lait sur ses 180 000 litres produits, le reste étant écoulé à la coopérative. « Même si nous sommes ici un peu des marginaux, sourit Daniel Vignon, nous sommes motivés pour faire connaître notre appellation, qui est une des plus petites de France. »
Christine Rivry-Fournier