Le chef triplement étoilé de Laguiole, en Aveyron, cuisine comme nul autre les herbes, les fleurs et les végétaux de sa région. Engagé en faveur de l’environnement, il soutient l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) dans son combat pour la sauvegarde des abeilles.
De quand date votre engagement dans le programme de l’Unaf “Abeille, sentinelle de l’environnement” ?
Je côtoie les abeilles depuis mon plus jeune âge, mes grands-parents déjà avaient des ruches et faisaient du miel. Je travaille avec un apiculteur depuis longtemps, Joël Attrazic, c’est lui qui m’a parlé de ce programme. Il m’a présenté Henri Clément, porte-parole de l’UNAF lors d’un symposium à Montpellier. Petit à petit, en lisant aussi des articles dans la presse sur le problème de la disparition des abeilles, j’ai eu envie de m’investir. C’est comme ça que j’ai signé en 2007 la charte “Abeille, sentinelle de l’environnement”.
Qu’est-ce que cette charte implique ?
Un investissement dans la protection de l’environnement et des butineuses, l’engagement de ne pas utiliser de produits néfastes comme les pesticides ou les engrais chimiques, la promotion du rôle des abeilles dans la biodiversité auprès du public… Je profite de mon aura de cuisinier pour me faire le porte-drapeau de cette cause.
Depuis quand avez-vous conscience de la disparition des colonies d’abeilles et comment l’expliquez-vous ?
Cela fait une dizaine d’années maintenant que j’en entends parler. C’est un problème de “fric”, d’agriculture intensive, d’appauvrissement de la biodiversité…
Combien avez-vous de ruches ?
Sur le site du restaurant à Laguiole, il y a 5 ruches qui sont gérées par Joël Attrazic. Dans mon jardin privé, à 15 km du restaurant, j’en ai 5 autres. Cette année, j’ai perdu une ruche et l’année d’avant deux. Nous sommes dans un pays très froid, c’est difficile…
Comment définiriez-vous votre miel ?
Il est à l’image de ma montagne. Toutes fleurs, très parfumé, très riche, élégant. J’aime le déguster nature et en toute simplicité, au petit-déjeuner par exemple, sur une tranche de pain ou de fouace, la brioche locale. Si on l’utilise pour cuisiner, il faut faire attention à la chaleur qui le dénature.
Justement comment conseillez-vous de l’utiliser en cuisine ?
La règle en cuisine, c’est de respecter le produit. Le miel, j’évite de le chauffer, pour préserver son élégance, sa clarté, son parfum. On peut l’ajouter au dernier moment dans les desserts. Il s’associe bien aux fruits notamment. À l’automne, j’aime le marier à la pomme comme la chanteclerc. Il forme aussi un beau tandem avec les agrumes comme le pamplemousse.
Quel miel utilisez-vous à part le vôtre ?
Je n’aime pas les miels puissants. C’est la douceur et l’élégance que je recherche dans les miels, comme celui d’acacia. Mais un miel, c’est comme un vin millésimé, cela varie d’une année sur l’autre, selon qu’il y a eu ou pas beaucoup d’eau, de soleil… Par contre, cela ne se garde guère plus d’une année. J’utilise le mien avant qu’il soit cristallisé car, après, je trouve qu’il se dénature.
D’où viennent vos autres produits ?
Je vais au marché de Rodez trois fois par semaine. Là-bas, j’ai mes producteurs, certains m’accompagnent depuis plus de 40 ans ! J’aime travailler le végétal et il y en a beaucoup dans ma cuisine : légumes, herbes, fleurs… Au restaurant, nous avons un jardin aromatique avec une centaine de variétés. Et nous ne sommes ouverts que d’avril à octobre, quand la nature a le plus de richesse à nous offrir. Pour la viande, bien sûr, nous faisons aussi appel à la production locale, celle de l’Aubrac.
Je connais personnellement mes fournisseurs, leur terroir, leur façon de travailler respectueuse de l’environnement. Ce sont des passionnés et entre nous s’établit un rapport de confiance.
Y a-t-il d’autres causes dans lesquels vous êtes engagé ?
Oui, des causes humanitaires, pour les enfants, à titre personnel. Sinon, il y a deux ans, j’ai participé à un événement Slow Food, en Italie. Je soutiens cette association qui encourage la préservation des petites productions de qualité et s’oppose à la standardisation du goût.
Propos recueillis par Émilie Godineau
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Bio express
1946 Naissance à Gabriac dans l’Aveyron
1978 Il reprend les rênes du restaurant familial
1992 Ouverture de son restaurant Le Suquet à Laguiole
1999 Troisième étoile au Guide Michelin
2002 Ouverture d’un second restaurant au Japon
2009 Transmission des commandes du restaurant à son fils Sébastien
2012 Sortie du documentaire Entre les Bras